Avez-vous déjà mangé dans un restaurant avec buffet à volonté ? Si c’est le cas, vous allez peut-être retrouver une expérience déjà vécue, sinon, vous apprendrez les dessous de la gastronomie "tout pour le même prix". En l’occurrence, l’évènement se passe dans un restaurant asiatique, mais l’exemple porte plus sur l’approche "marketing" de l’établissement que sur le type de cuisine.
Le buffet à volonté étant un gage de qualité (pour les enfants !), nous choisîmes donc avec les trois miens cet établissement fraîchement ouvert dans ce centre commercial fraîchement climatisé. Plutôt drôle, à l'entrée du restaurant, une pancarte hâtivement griffonnée annonçait timidement et tel que c'est écrit « Catre bleu en panne, merci de votre comphéhension ».
Pour lors, recherche d’une tirette à billets. Dans un centre commercial flambant neuf comme celui-ci, il devait y en avoir à tous les coins pour satisfaire le con-sommateur effréné prêt à sauter sur cette promo-super-méga-géante-à-ne-pas-laisser-passer-que-tous-tes-copains-seront-verts-de-jalousie. J’écumais les trois étages sans apercevoir l’ombre d’un panneau hypnotiseur de tirette généreuse. J’aperçus enfin une enseigne de banque dont le libellé très exotique me rappela instantanément ces histoires de distributeur piégés qui vous avalaient votre carte et toutes vos économies dans les jours qui suivaient. En inspectant d’un œil sceptique cet appareil soudain hostile, je m’aperçus qu’il était sur roulette. Euh... non, non, j’mets pas ma carte là dedans. Ben oui, vous marcherez jusqu'à celle qu’on voit au loin à travers la baie vitrée, les enfants, oui, c'est bien ça, là- bas... Comment ça le Crédit Tralala n'a pas meilleure réputation, chut..., on n'a pas dépensé des millions pour rien ! Pas vrai m'sieur Kerviel ?
Nous voilà de retour au temple du « tout à volonté », munis des espèces libératrices. Après, quelques aller-retour des trois affamés, revenant avec des assiettes ressemblant à des sculptures de l'Himalaya, les serveurs diligents commencèrent à débarrasser promptement notre table à chaque assiette terminée. Prenant cela pour un service nec plus ultra, je mâchouillais tranquillement comme d’habitude et au final je fus le seul à demeurer à n'avoir pas fini mon plat.
A ce moment, un serveur déposa l'addition. Je l'ignorais. Deux minutes plus tard, il revint et pointa celle-ci en la tapotant nerveusement avec un index capable de me traverser le thorax d’une seule pichenette.
- Oui, oui, monsieur, je n'ai pas fini de manger, alors je termine et je vous règle ensuite, tentais-je de l’adoucir.
A son regard de méchant ninja, je captais qu'il ne comprenait pas ou qu'il ne voulait pas comprendre le moindre mot. Il réclamait des pépettes, du pognon, du pèze, du flouze, tel un tonton flingueur du soleil levant et plus vite que ça. Son air obstiné et boudeur continuait à peser sur moi.
- Y a-t-il une vitesse de mastication minimum établie dans le règlement intérieur ? lui demandais-je d’un air ingénu. Grosse marrade des trois comiques devant leur table rase.
Les deux grands, entrèrent alors en révolution. Après son dessert, l’une embraya avec de la soupe et l’autre ramena des desserts gélatineux. Je regardais le serveur avec une aimable complicité :
- C’est si bon, vous savez ! Heu… Comment ? Il y a un ordre pour les plats ? C'est précisé sur la carte s'il vous plaît ?
Mon sourire réussit à lui porter l’estocade et il s’éloigna de la table. J’appréhendais cependant qu’il ne revint avec un hachoir, un sabre ou un nunchaku. Comment ça, ce ne sont pas tous des instruments de cuisine ? J'ai dû trop regarder Bruce Lee !
Ce qui était par contre bien marqué sur la carte, c’est que chaque plat non consommé alourdissait l'addition de cinq euros ! Sans doute pour éviter le gâchis. Mais voilà, je les avais pourtant tous mis en garde de ne pas toucher à ces trucs flasques et tremblotants ! Comme prévu, ils trouvèrent ça infect et nous voilà obligés de nous débarrasser discrètement des « blobs » coupés en petits morceaux dans les serviettes en papiers. Les serveurs se rapprochèrent dangeureusement de notre table, ce qui n’eut rien d’étonnant, vu les filles qui pouffaient et commentaient à haute voix, tandis que le troisième hurlait d’arrêter de parler comme ça, quand on faisait un truc ! J’eus juste le temps de brandir par-dessus tout le monde mes billets tout neufs et craquants pour calmer l’accélération des deux ninjas.
Les moments surréalistes comme ça ne font-ils pas tout le charme de la vie ?
Crédit textes : © emmanuel cockpit
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