Je m’appelle Claire et je possède 167 paires de chaussures. Mais je n’ai que deux pieds, et il n'y a que sept jours dans la semaine. Alors pourquoi autant ?
Précisons d’abord que j'en possède de toutes les catégories. J'ai des chaussures avec et sans talons, des escarpins, des bottes, des sandales, des chaussons, des claquettes et même des chaussures d’éducatrices, vous savez, celles qui ont le devant arrondi... Mais je ne parle pas de godasses, de grolles ou de tatanes.
Je suis de taille moyenne inférieure, un mètre soixante quoi, et mon dress code est plutôt executive woman, style bon chic bon genre. Pas de ricanements s'il vous plaît. Toujours maquillée et bijoutée (le vérificateur d'orthographe propose "bisoutée"... aussi !) pour sortir de chez moi, je souhaite donner aux autres, et surtout à moi-même, une image qui reflète mon caractère et qui traduise le fait que je me sente en accord avec ma nature féminine. Pour les conseillers en psychologie amateur, merci de garder vos remarques.
J’ai besoin de beaucoup de chaussures parce que j'ai une garde robe bien fournie. Les chaussures constituent un élément qui équilibre le rendu d’une femme, comme un maquillage harmonieux ou des ongles soignés, c'est à dire pas cachés derrière de faux ongles. Je pars souvent avec plusieurs paires, même pour une absence de quelques heures. J’ai besoin de savoir que je pourrais en changer au gré de mes envies.
Les magasins de chaussures, qui sont forts nombreux, exercent sur mon cerveau une attraction aussi forte qu’un magasin de jantes alu pour un fan de voiture. J'aime me laisser séduire par le chic d'une chaussure, la pente donnée par la hauteur de son talon et la sensualité qui en découle. Lorsque je réalise un achat, ce n'est pas parce que j'ai besoin d'une paire supplémentaire, mais parce que j'imagine l'effet que procureront les premiers pas dans ce fourreau qui viendra embellir ma démarche et parfaire ma tenue. J’ai déjà eu des coups de foudre pour des chaussures pour lesquelles je n’avais pas de vêtements assortis et que j'ai acquis ensuite. C'est comme lorsqu'un menu est choisi en fonction d'un vin.
Comme je suis perfectionniste, il est indispensable que mes chaussures correspondent exactement à la situation du moment. Elle complètent mon élégance de manière discrète mais assurée. Elles sont un accessoire indispensable qui doit s’accorder au sac à main, aux gants ou au chapeau. Leur aspect et leur rendu sont conditionnés par celui du vêtement. Ou vice et versa.
Chaque paire a une histoire particulière. Je n’arrive pas à m’en débarrasser car beaucoup sont liées à des évènements. Je ne les porte pas toutes, certaines restent dans ma collection pour cela. Lors d’une soirée travestie, des femmes m’ont reconnue à mes chaussures en affirmant que ça ne pouvait être que les miennes. Elles ne sont pourtant pas extravagantes et même plutôt classiques. Mais elles ont cette attraction qui fait la différence entre la beauté et le charme.
Le cuir est sensuel et je n’ai que des chaussures dans cette matière. Il y a beaucoup de qualités différentes. J’aime l’odeur du cuir et particulièrement l'aspect et la douceur du daim. J’adore les chaussures échancrées, très ouvertes sur le dessus, lorsqu’elles laissent apparaître la naissance de l’espace entre les orteils, un peu comme un décolleté qui permet d'entrevoir le sillon prometteur qui sépare les seins.
Et puis je raffole des talons ! En marchant dans la rue avec des escarpins et mon sourire spontané, je sens le regard des hommes et des femmes sur le galbe de ma jambe. Cela suscite du trouble quand je danse du haut de mes talons et que les autres s’extasient sur mon équilibre. Etant de petite taille, cela me permet de me rapprocher du visage des hommes et d’emboîter des parties du corps faites pour cela. Les talons donnent de la légèreté à la démarche et au corps, lui insufflent de l’élan et de l’allant et me propulsent vers l’avant. Ils ont une incidence sur ma posture et je parais plus longiligne. Le fait de porter des chaussures à talon et un signe d’équilibre et d’agilité. Il suffit de demander à un homme d’en mettre et de voir le résultat.
Le talon d'une chaussure sublime la courbure d'un pied. Leur bruit fait résonner mon imagination et peut-être celle des hommes qui se retournent sur mon passage. En été des chaussures ouvertes sur un pied soigné et délicat teintent la silhouette d’un érotisme discret. Une belle chaussure est un signe de féminité comme une longue chevelure. Et si dans certaines situations je ne garde que mes bijoux et mon parfum, mes chaussures sont souvent considérées... comme des bijoux.
Fétichiste ? Non, juste passionnée. Pourquoi dit-on "Je prends mon pied ?" Devinez...
Crédit textes et photos : © cockpit