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Quand on a huit ans, on croit en tout, à l'insouciance, aux rires et surtout à son imagination débordante. Le futur, c'est la fin de la semaine, l'objectif principal, c'est d'avoir le plus beau vélo. A la fin des années soixante, notre monde s'arrêtait au bout du village. Loin derrière les hautes tiges de maïs, la commune suivante était peuplée de personnages imaginaires et d'ennemis héréditaires.

Tous les deux, nous formions un duo unique. Pas de téléphone, de télévision ou de médiathèque à cette époque, pas de communication extérieure au-delà de nos délires et de notre créativité, encadrés par les adultes, la religion, les convenances et le journal local. Tu étais le spontané, celui qui connaissait les secrets des branches et les limites de leur résistance, celui qui m’entraînait dans de folles randonnées. J'étais le penseur inquiet qui réfléchissait et projetait les conséquences de nos actes en punitions parentales. Le monde était à nous, un monde qui allait de la maison à l'école, en passant par des raccourcis propices à des aventures inattendues et extraordinaires.

Tu m'as appris à fabriquer un lance-pierre avec des chambres à air de camion, plus efficaces, tu m'entraînais dans la construction de fusées pour aller voir les martiens de plus près et tu m'initiais à la pêche, des activités impossibles aujourd'hui pour l'âge que nous avions. Nous parcourions les champs à la recherche de bêtes sauvages que nous domptions avec assurance, même si cela se résumait à courir après le chat peureux du voisin. La neige était prétexte à une suite d'actions héroïques pour braver les dangers du blizzard et les chevauchées de luge n'avaient pour prétexte que d'échapper aux ours sanguinaires qui nous poursuivaient. Pour chercher le lait à la ferme, il fallait néanmoins échapper au chien qui pour nous était un loup féroce !

Aujourd'hui tu es parti pour un autre monde.

Les souvenirs imprimés au burin dans ma mémoire façonnent mes pensées et me troublent. C'est si loin dans le temps et pourtant si proche dans les sentiments. Ton cœur qui se rechargeait en émotions et les pulsaient dans tout ton corps s'est arrêté d'un coup. Alors je ferme les yeux et je nous revois devant la devanture du boulanger, à compter nos centimes pour une glace. Une boule, 30 centimes, trois boules 90 centimes. Les étés étaient chauds, la crème glacée coulait, les parfums se mélangeaient, ça collait aux doigts.

Les tiroirs intimes de ma mémoire et les compartiments secrets de mon cœur s’ouvrent et libèrent un kaléidoscope d’images, d’odeurs intenses d’herbes, de terre et de bois, de regards complices et rieurs, de poussée d’adrénaline lors de nos courses folles dans la nature.

Adieu l’ami, adieu mon ami.

Merci pour ces années, pour cette belle amitié enfantine embellie d’une bienveillance onctueuse comme le miel des tartines de nos goûters. Je préserve à jamais ces couleurs brillantes et ces mouvements joyeux, comme un reflet du bonheur.

 

Crédits textes et photos : © emmanuel cockpit

 

Tag(s) : #Portraits
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